.Aucune étude n’a permis de mettre en évidence un effet direct des champs électriques et magnétiques de fréquence extrêmement basse sur la santé des animaux d’élevage. En revanche, des tensions et courants électriques parasites peuvent apparaître dans les installations agricoles et les champs électriques et magnétiques en sont une des sources possibles. En tout état de cause, si les tensions et courants parasites peuvent avoir un effet sur les animaux, ce ne peut donc être qu’un effet indirect des champs.
L’élevage, milieu sensible
Les installations d’élevage sont propices à la manifestation des tensions et courants parasites. Les structures métalliques de grandes dimensions, comme les charpentes, les barrières, les mangeoires ou les cornadis favorisent leur apparition et leur circulation. Par ailleurs, la présence d’animaux dans ces bâtiments maintient les sols et bétons humides ce qui est également un facteur favorable à la manifestation de ces phénomènes et également à l’apparition d’effets électrochimiques (dits aussi effets de pile).
L’animal plus sensible que l’homme
De par leurs caractéristiques physiologiques, les animaux présentent une sensibilité à de faibles tensions et courants qui pour l’homme seraient imperceptibles. Tout est affaire de contact ou plutôt de résistance de contact : ainsi un animal venant boire ou manger établira un contact avec le museau (ou le groin) tandis que ses pieds restent en contact avec le sol, qui reste toujours humide dans un bâtiment d’élevage (étable ou porcherie). Dans les deux cas le contact est humide, donc faiblement résistant, et facilite donc le passage du courant. Dans les mêmes locaux, l’homme touchera une partie métallique avec la main et sera isolé du sol par des chaussures ou des bottes. Il s’agit là de contacts secs, donc fortement résistants et qui empêchent donc la circulation des courants : les courants parasites seront donc imperceptibles.
Ainsi, les seuils de sensibilité des gros animaux d’élevage, bovins et porcins, sont de l’ordre de quelques milliampères et/ou quelques volts. Il s’agit là de données générales car il peut y avoir des variations importantes entre races animales et entre individus.
De telles valeurs de tensions et courants sont dans l’absolu sans danger pour les animaux car bien en deçà des seuils de risque d’électrisation. Le phénomène n’est donc pas comparable aux décharges électriques que peut donner une clôture électrique par exemple. Cependant, dans certains cas, les petits chocs électriques perçus peuvent induire du stress chez les animaux et à la longue modifier leur comportement et dégrader leurs performances. Par exemple, si une vache a une sensation désagréable chaque fois que son museau entre en contact avec l’eau d’un abreuvoir, elle espacera ses visites et consommera moins d’eau ce qui entrainera inévitablement une baisse de sa production laitière.
Tensions de contact et tensions de pas
Dans certains cas, des courants parasites peuvent circuler dans le sol lui-même. La distance qui sépare les pattes avant et arrière d’un animal peut être suffisante pour qu’une tension naisse entre ces pattes et soit suffisamment élevée pour que l’animal la ressente. C’est ce qu’on appelle la tension de pas.
Des cas d’électrocution d’animaux durant un orage sont régulièrement rapportés bien que la foudre soit tombée à distance de l’animal. C’est la tension de pas (et le courant qu’elle fait circuler dans le corps) qui explique pourquoi la foudre tue bien plus d’animaux que d’hommes : pour un quadrupède, le courant circulant entre les pattes avant et arrière passe dans la région du cœur, tandis que pour l’homme (bipède) un courant circulant entre les jambes ne remonte pas jusqu’au cœur.
L’autre situation classique est celle de l’animal venant toucher une structure portée à un certain potentiel électrique. On parle alors de tensions de contact.
On mesure une tension de pas en plantant deux électrodes dans le sol connectées à un voltmètre. Classiquement, on fait cette mesure avec une distance de 1 m entre les électrodes, correspondant donc grosso modo à la longueur d’un pas.
Les études en laboratoire
En conditions de laboratoire, en appliquant des tensions parasites élevées (plusieurs volts), on a pu mettre en évidence des effets sur le comportement des animaux et même sur leur croissance ou leur productivité de lait. Néanmoins, il s’agit de conditions qui ne se retrouvent que très rarement dans les conditions réelles des élevages. Dans la très grande majorité des cas réels, les effets restent très limités, même s’ils ne doivent pas être négligés.
En France, de telles expérimentations ont été menées à la ferme expérimentale d’AgroParisTech (ancien nom : INA) en coopération de la profession agricole. On y a notamment étudié l’impact des courants parasites sur le comportement animal et la production laitière et sur la qualité de la viande de boucherie. Ces études ont fait l’objet d’une thèse de doctorat et de publications dans des congrès et revues internationales. En conditions de laboratoire, les seuils de sensibilité des animaux étaient de l’ordre de 2 à 3 volts.
Le rapport de l’ANSES : pas d’effet direct des CEM
Suite à une saisine des ministères, la question de l’effet des champs électromagnétiques sur les animaux d’élevage a fait l’objet d’un rapport de l’ANSES publié en 2015 et intitulé « Conséquences des champs électromagnétiques d’extrêmement basses fréquences sur la santé animale et les performances zootechniques ».
Le rapport fait notamment une importante synthèse bibliographique des études publiées sur ce sujet et les conclusions en sont que « les données de la littérature disponibles sur les animaux de rente ne permettent pas de conclure sur un effet majeur et spécifique des CEM sur les performances et la santé des animaux ».
A noter que le rapport de l’OPECST de 2010 (principalement centré sur la santé humaine) aborde également la question de l’influence des CEM sur la santé animale et ses conclusions sont tout aussi claires : « Une bibliographie scientifique internationale nombreuse et ancienne montre que les champs électriques et magnétiques ne sont pas directement à l’origine de pathologies vétérinaires ».
Par contre, comme toutes les autorités qui se sont penchées sur la question, l’ANSES indique que les effets indirects des CEM sont bien connus. Néanmoins, l’effet reste faible et difficile à discerner parmi les nombreux autres facteurs qui peuvent affecter les performances d’un élevage. L’ANSES indique ainsi que « leur impact sur le niveau de performance et l’état sanitaire des animaux (mammites chez la vache laitière par exemple) dans le contexte multifactoriel des élevages reste mal connu ».